Les leçons de la crise financière ou l’impossible statu quo européen

L’économie internationale est entrée depuis 18 mois dans l’ère de toutes les incertitudes. Si le pire de la crise est passé, nul ne sait exactement si nous assisterons a une reprise rapide, réelle, durable de la croissance mondiale. Parallèlement, persiste le risque de nouvelles turbulences internationales liées au maintien de très importants déséquilibres dans la mondialisation (déficits, parités monétaires, …) face auxquels l’Europe dans son ensemble apparaît vulnérable.
Compte tenu de cet environnement, il est temps de tirer, en France comme en Europe, les leçons de la crise pour refonder la politique économique. Trois principaux constats s’imposent.
Le premier d’entre eux est le grand retour de l’action conjoncturelle de l’Etat. Si la crise des 18 derniers mois a montré quelque chose, c’est bien que les réformes structurelles, dites « libérales » de ces dernières décennies n’avaient pas réduit la sensibilité de l’économie française et européenne aux chocs conjoncturels de grande ampleur, bien au contraire. En même temps qu’elle rappelle la possibilité d’à-coups violents, la crise souligne l’utilité des politiques de régulation conjoncturelle pour en amortir les effets. D’où le spectaculaire et légitime regain de consensus observé en faveur de l’action conjoncturelle dans de nombreux Etats, y compris dans les pays anglo-saxons. Autre fait nouveau : la mise en œuvre par les grandes économies mondiales, pour la première fois dans l’histoire, d’une relance réellement concertée et d’une réponse commune face à la crise. Les efforts de relance ne sauraient désormais être menés à l’échelle d’un seul Etat mais doivent l’être au niveau de l’économie internationale dans son ensemble. Loin d’un retour au « keynésianisme dans un seul Etat » des précédentes décennies, cette évolution témoigne de l’avènement d’une nouvelle logique : la légitimation d’un principe d’action concertée des grandes économies mondiales pour faire face, ensemble, aux grandes récessions mondiales. Parallèlement, la communauté internationale met difficilement en place les bases d’une nouvelle architecture du système financier international afin de prévenir les crises financières mondiales de demain.
Le second constat porte sur les difficultés d’une réponse coordonnée éprouvée par l’Europe face à la crise. L’Union européenne en général et la zone euro en particulier ont fait montre d’une grande passivité. Bien que l’idée d’une relance – permise par une nouvelle mise entre parenthèses du pacte de stabilité – se soit finalement imposée, ce sont bien les politiques budgétaires nationales, mal coordonnées entre elles, qui ont assumé l’essentiel de l’effort. De ce point de vue, la crise rend le statu quo intenable. L’Europe doit se mettre en capacité de mieux résister aux récessions. Elle doit le faire en se donnant les moyens d’une politique conjoncturelle réactive, en mobilisant les triples leviers de la politique monétaire, des changes et du budget, pour amortir les chocs d’aujourd’hui et de demain. La seule flexibilité des économies nationales (salaires, prix, mobilité du facteur travail) ne saurait suffire. Quant à la zone euro, la crise grecque montre la nécessité de redonner de la crédibilité aux outils de prévention et de solidarité financière en Europe.
Enfin, la crise a montré les limites des stratégies de maîtrise des finances publiques mises en œuvre dans de nombreux pays européens depuis la mise en place du pacte se Stabilité : l’exemple de la France est révélateur, qui, lestée par l’héritage d’une politique budgétaire et fiscale insoutenable, s’est privée de la capacité à réagir avec la vigueur nécessaire. Ce constat n’est pas propre à notre pays mais implique une réflexion de fond sur le rééquilibrage des outils de pilotage des soldes publics en Europe.
Réformer les règles de pilotage des finances publiques nationales pour redonner des marges de manœuvre aux budgets, mieux coordonner les politiques économiques en Europe et renforcer l’Eurogroupe, la réforme est urgente afin de redonner à l’Europe une pleine capacité à résister aux récessions.